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mardi 25 juillet 2017

Mon village est unique même s'il ressemble aux autres (2)


On dit cependant que le village est beau, que la vue est magnifique. Si demain vous me disiez que je suis beau (c’est un exemple, je vous rassure !), j’aurais beau me détailler dans un miroir, je connais tellement ma gueule, que je serais incapable d’y voir de la beauté, quand bien même elle s’y trouverait. Même les topmodels parviennent à se trouver des défauts. Autrement dit, nous sommes mauvais juges de ce que nous connaissons et aimons.
Il y a un point objectif (photographique) : on a choisi le village pour faire la couverture d’un livre sur les villages de Corse. Il faut croire qu’il doit avoir des charmes qui échappent à notre sagacité.
Marié à Miss Univers, finirais-je par ne plus voir sa beauté, et en viendrais-je à la considérer comme un être humain, capable de sentiments, voire de Raison (ceci pour taquiner mes 7 cousines et ma presque-cousine).
Un père et son fils, après la chasse © Mapomme

Vous ne pouvez pas louper le village, puisqu’il n’est pas indiqué sur les panneaux (comme la plupart des communes) à l’intersection avec la nationale 198, dans la plaine. Suivant une logique administrative qui lui est propre, et dont les raisons échappent à la Raison, la DDE (l’ancien Bonze est chaussé) a décrété (dura lex, but sed lex s’écrient les crétins du décret) que seules figurent sur les panneaux les communes représentant la frontière cantonale de la route départementale qu’on emprunte au taux légal. C’est d’une clarté crépusculaire.

Donc, le quidam candide qui ignore que Mon village se situe avant le suivant (pour des raisons inexplicables, ça doit représenter 98% des automobilistes de tout poil circulant en été sur la route nationale. On comprend pourquoi a été inventé le GPS), passe devant l’intersection, va trop loin, revient sur ses roues, s’engage sans certitude, par badaud indicateur, sur une route cantonale, avant d’arriver au panneau El Doradique de “MON VILLAGE“, pour peu que ledit panneau n’ait pas pris, d’un chasseur revenu bredouille, une décharge vengeresse qui ampute une partie du nom.
Si, malgré ces explication d’une limpidité à faire pâlir de jalousie la plus pure des eaux de source, vous ne situez pas sur la carte l’incomparable commune de ce village si typique, qui a eu la chance de ne pas me voir naître (puisque j’ai suivi la grande mode qui consistait à naître en ville, sans doute plus pour des raisons de sécurité médicale que par snobisme), je vais vous donner quelques précisions.


Prenez une carte (géographique, si possible. Avec une carte à jouer, bancaire, de crédit, d’adhérent, à puce, du ciel, etc., la chose risque d’être compliquée. Si votre carte est bien géographique, et non historique, assurez-vous qu’elle soit de Corse : bizarrement, ça ne fonctionne qu’avec elle, sans qu’il soit possible de l’expliquer), et tentez de situer Bastia, en haut, au pied du Cap (et pas forcément de pied en cap).
Descendez par la Côte Orientale sur 64 kilomètres, et parvenez au croisement. Si vous êtes talonné par un semi-remorque menaçant, tournez d’un coup sec, à tout berzingue, sur deux roues s’il le faut, et réfléchissez ensuite. Votre vie en dépend. Les chauffeurs des pays de l’Est ont des impératifs de délai et des déficits de sommeil.
Sinon, à cet endroit, vous êtes au croisement, où le nom du village n’est pas mentionné, ce qui ne le différencie en rien des autres intersections. Vous prenez la route du village qui marque la limite du canton, presqu’inhabité, proche du village-fantôme en hiver, et dont, sans ce panneau, nul ne connaîtrait l’existence comateuse. Si vous évitez d’emprunter la bifurcation menant à un village situé sur une autre départementale, vous aboutirez à destination au bout de 10 kilomètres.

Là, vous comprendrez pourquoi mon village est le village, et non Quiberon. D’abord, il n’y a pas de presqu’île, pas plus que 5197 habitants, pas de tentative de débarquement des Émigrés en 1795, donc pas de 748 fusillés, et pas de baie, si ce n’est celle qu’on trouve sur les épineux. Pas de thalassothérapie, mais une relaxothérapie estivale (belote, pastis, dodo).
Vous verrez ce maquis couvrant les collines, surtout celle de Monte Oppidum, qui partage en deux la vue sur l’horizon marin. Tout respire la sérénité.
Racines © Mapomme

Âgée de peu d’années, avec une architecture qu’on refuserait à tout particulier car jurant avec les pierres des maisons multi centenaires, (les collectivités ne voient que rarement rejeter le permis de construire des verrues alors qu’on ergote sur la balustre ou l’arcade en demi-cintre pour un quidam, une merveilleuse mairie trône sur la place en enrobé, près de la fontaine en grève estivale, à l’instar des compagnies de navigation de la fin du XXème siècle.

Mais, mon village représente plus que des paysages et des maisons en pierre, des églises et des fontaines, un belvédère, un barrage, des chemins de randonnée et la photo du safari frénétique. Il possède une âme, composée d’histoires et d’individualités fortes, avec leurs défauts et leurs qualités.
La Méditerranée façonne des personnalités qui ne peuvent qu’être démesurées souvent, passionnées et comiques, bien que parfois agaçantes sur le moment, mais rarement dépourvues de couleurs. C’est bien pour ça que j’y reviens sans cesse, telle la vague vers la falaise.
Les défauts les moins graves sont comme ces odeurs des anciennes épiceries, avec des sacs de légumes secs, de planchers et étagères un peu vermoulus : ils forment le parfum rassurant de l’enfance. Les défauts majeurs sont semblables à des choses en décomposition : l’odeur en est intolérable. Il faut peu de chose pour passer du plaisant à l’incommodant.

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